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18 août 2005 4 18 /08 /août /2005 16:12
C’est un coup dur. Un gros coup dur. Comme à chaque fois que, comme militant, j’ai, avec d’autres, battu la campagne électorale et que la victoire n’est pas au bout de tant d’efforts.
Mais, bien entendu, cette « gueule de bois » électorale ne serait pas grand chose s’il n’était le résultat lui-même : une grande claque. Un sentiment de gâchis. Le sentiment d’avoir manqué un tournant historique.
Quel triste spectacle que de voir, au soir et au lendemain de ce scrutin, Le Pen pavoiser, la presse conservatrice britannique applaudir, et les milieux financiers internationaux se rassurer.
Les partisans du non de gauche, après avoir, avec des mensonges, dérouté une opinion publique déjà fortement déstabilisée, tente aujourd’hui d’accréditer l’idée que ce non massif serait un non à la Constitution. N’ai-je pas entendu, dans une rencontre-débat de l’ACO consacrée à cette Constitution, quelqu’un croire – ou tenter de faire croire ? – que notre propre Constitution de la Ve République serait abolie par la ratification du Traité européen !
 
Une étape siginificative. Pour ma part, toutes les heures passées à distribuer des tracts ou à discuter avec les passant dans la rue, je les ai vécues avec conviction. J’ai, personnellement, fait d’abord et essentiellement campagne, non pas contre le non, mais pour le oui. Parce que, comme militant, comme chrétien, comme père de famille, je crois profondément que cette Constitution marque une étape significative dans l’histoire récente de la construction européenne. Non pas par calcul politicien, par fidélité à telle ou telle écurie, ou pour faire le jeu de je ne sais quel leader socialiste. Non j’ai soutenu ce texte et milité pour, parce qu’il constitue une avancée démocratique, sociale, politique, vers une Europe plus juste et plus solidaire.
 Reste que le « non » l’a emporté. Comme un coup de semonce. Ou un coup de point sur la table. Essayez de taper du poing sur la table et de dire « oui ». Quand on tape du point sur la table, on dit non, instinctivement, naturellement. Nos concitoyens, et les plus pauvres, les plus exploités, les plus perdus, les plus désemparés d’être eux ont voulu, à cette occasion, exprimer leur ras le bol.
D’une certaine manière, c’est, avec un taux de participation encore supérieur, la répétition de la claque prise par la droite aux régionales et, dans une moindre mesure, une réplique du séisme du 21 avril 2002. Le vote était déjà, pour une grande part, un vote de contestation. Que la gauche réunie a su, en avril 2004, transformer en espoir. Le 29 mai, la désunion de la gauche a transformé le ras-le-bol populaire en un coup d’arrêt à la construction européenne.
 
Pas de plan B. Car ceux qui ont osé faire croire que le « non » était le chemin de l’espoir devront assumer cette lourde responsabilité quand les électeurs se rendront compte qu’il n’y a pas de plan B, il n’y a pas, dans des délais raisonnables, de renégociation possible.
J’en arrive à penser que le désarroi des classes populaires est si fort que le non aurait pu l’emporter sans le « non » de gauche. C’est dire si ce « non » populaire n’est pas d’abord un « non » à la Constitution, ni un « non » à l’Europe. Si l’on avait pu organiser deux référendums parallèles, un « pour ou contre la Constitution », l’autre « pour ou contre Chirac-Raffarin », il y a fort à parier que le Traité européen eut été ratifié et Chirac renvoyé en Corrèze.
Au delà, les trois derniers scrutins nationaux organisés en France révèlent une terrible réalité qui prend racine dans une société incapable de juguler le chômage et la précarité : nos concitoyens, dans leur majorité, de plus en plus, votent par désespoir. Un mal vivre qui laisse désemparés de nombreux militants, associatifs, syndicaux, politiques.
 
Le coup du décalage. Dès le soir ou le lendemain de l’élection, les bonnes âmes du « non », Laurent Fabius en tête, qui savent eux, ce qu’est la vraie vie, nous ont fait le coup du décalage. Nous n’aurions pas su écouter. Nous aurions été, nous, partisans du « oui de gauche » sur une autre planète, loin des préoccupations des vrais gens. Tandis que, éclairés par la lumière du « non », étaient sur le terrain. Il savent eux, ce que veut le peuple. Ils savent eux ce qui est bon comme le peuple. Comme quand Laurent Fabius ministre de l’Economie et des Finances réduisait les impôts des classes moyennes et supérieures. Comme quand il manquait les deux voix d’extrême gauche au Parlement européen pour faire adoptée la « Taxe Tobin » pourtant si chère à … ATTAC.
L’erreur n’est pas d’avoir voté oui – « être de gauche, écrit Aurélien Chevallier sur le site « Réformer » de Martine Aubry, ce n’est pas forcément choisir la facilité de la protestation, mais c’est voir loin et agir ensemble pour appliquer des solutions ». Non, si faute il y a, c’est de ne pas avoir mesuré l’ampleur du décalage. Notre campagne, dans sa forme et son intensité, n’était sans doute pas à la hauteur, pas adaptée à ce décalage.
 
Mais sur le fond, si c’était à refaire, je referai campagne pour le « oui ». Car j’ai milité pour le « oui » en conscience. Et j’ai essayé d’expliquer ce texte, de faire partager mes convictions. Si décalage il y a, il n’est pas entre des militants du PS qui seraient déconnectés de la réalité et une classe populaire qui souffre, mais entre une question - oui ou non à la constitution - et la manière dont on y a répondu : non à Chirac-Raffarin, non à la galère, non au lundi de Pentecôte travaillé, non à ma cité ghetto, non à mon salaire qui stagne, non au chômage de mon fils, non au budget de la recherche, non à la loi Fillon, non au non à la Turquie, non à mon numéro sur la liste d’attente des attributions de logement social, non à l’euro que je paie désormais pour chaque consultation médicale, non à l’usine qui ferme… Autant de raisons de râler, de s’insurger, de revendiquer, de manifester. Mais pas de voter « non ».
 
Le Oui de gauche. Le choix du « oui » (je veux dire de faire campagne pour le « oui ») était, à mon, sens, un choix plus courageux, plus conforme en tout cas à l’idée que je me fais, comme socialiste, de la solidarité internationale et de la coopération entre les peuples. Il est plus facile de faire campagne contre avec des discours simplistes voire mensongers, que pour avec des idées progressistes.
Je suis fier d’avoir milité pour le Oui de gauche, avec tous les autres partis socialistes et démocrates sociaux d’Europe, avec la Confédération européenne des syndicats. Je suis fier d’avoir défendu une certaine idée de l’Europe qui a su, après l’horreur des deux guerres mondiales, construire un espace de paix. Je suis fier d’avoir défendu un texte qui constitue un progrès indéniable pour tant d’hommes et de femmes en Europe, à commencer par les plus pauvres d’entre eux. Je suis fier d’avoir dit « oui » aux vingt quatre autres peuples d’Europe, « oui » pour poursuivre l’aventure commencée il y a 50 ans, « oui » à plus de solidarité entre les peuples d’Europe. Pour tout cela, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi mes convictions socialistes, ni le peuple de gauche.
Je suis fier d’avoir activement participé à une campagne qui a réveillé notre démocratie. Sans doute le choix d’un référendum était-il risqué. Mais tant à l’intérieur du parti d’abord que dans la rue ou les meetings ensuite, le débat avec les citoyens a été passionnant. Bien sûr, certains, sans connaître les engagements de chacun, ou en feignant de ne pas les connaître, voire en les méprisant, nous ont accusé des pires arrière pensées : faire, avec toutes les autres forces progressistes d’Europe, le jeu des ultralibéraux.
 
Il y a, dans le film sur les débuts politiques de Jean Jaurès (Jean-Jaurès, naissance d’un géant de Jean-Daniel Verhaeghe) récemment diffusé à la télévision, une scène qui m’a particulièrement marqué. Elle se déroule au moment de la désignation, par les différentes forces de gauche pour une fois réunies, du candidat de la gauche aux élections législatives pour la circonscription de Carmaux. Le discours de Jaurès est clair : le clivage est entre ceux qui pensent qu’il faut changer l’homme pour changer la société et ceux qui considèrent au contraire qu’il est nécessaire de changer la société pour changer l’homme. Entre les réformistes et les adeptes de la « rupture », j’ai choisi depuis longtemps. Impossible de changer notre société si les hommes et les femmes qui la composent ne sont pas totalement partie prenante. Cela vaut, bien évidemment, pour l’Europe. <
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  • Pascal Martineau
  • Journaliste de métier, collaborateur parlementaire, écrivain public-biographe, j'aime les mots.
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