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1 août 2004 7 01 /08 /août /2004 14:33
Dans la dernière édition de Souvenirs et solitudes, Patrick Pesnot, le « Monsieur X » de France Inter, a qualifié Jean Zay de « ministre de l'intelligence française ».
Dans une enquête réalisée en 2001
auprès des lecteurs de La République du Centre, il est arrivé en tête des personnalités du Loiret qui ont marqué le xxe siècle, devant Charles Péguy et Maurice Genevoix. L'année 2004 marque le 60e anniversaire de la mort de Jean Zay.
En 1936, l'avocat Orléanais entre dans le Gouvernement du Front populaire de Léon Blum. Il est le plus jeune ministre jamais nommé à l'Éducation nationale et à ce que l'on n'appelle pas encore la culture. Le 20 juin 1944, soit quelques jours après le débarquement allié en Normandie, Jean Zay est extrait de la prison de Riom où il est incarcéré depuis près de quatre ans. Quelques heures plus tard, il est assassiné dans un bois par un milicien français et jeté dans un ravin. Son corps ne sera retrouvé qu'en 1946 et identifié qu'en 1948. Jean Zay représentait, aux yeux de Vichy, tout ce que les collaborateurs exécraient : ministre du Front populaire, républicain, juif, franc-maçon (la loge « Étienne-Dolet » d'Orléans), intègre, courageux.
Lors du colloque organisé en juin 2004 à Orléans à l'occasion de l'anniversaire de son assassinat, l'un des orateurs a affirmé que, vivant, Jean Zay aurait sans aucun doute joué un grand rôle dans la France de l'après-guerre. Des propos qui venaient confirmer ceux de Pierre Mendès-France : « Ceux qui l'on assassiné ont porté un coup non seulement à ceux qui l'ont aimé, mais au pays tout entier ». L'action et la pensée politiques de Jean Zay, que je commence, modestement, à découvrir, sont marquées par une grande modernité et beaucoup de lucidité. Voire par un certain esprit d'avant-garde. Le ministre du Front populaire aura fait, en quelques mois seulement, beaucoup plus que la plupart de ses successeurs à l'Éducation nationale, de la Libération à aujourd'hui. Avec à ses côtés des hommes tels que Léo Lagrange, il aura réformé le « mammouth » dans des proportions qui en feraient rêver plus d'un. Un « taux de réussite » qu'expliquent sans doute sa manière de faire : expérimenter et évaluer - déjà - avant de généraliser d'une part, et appliquer à son propre fonctionnement les évolutions qu'il demandait à l'ensemble du ministère, d'autre part.

«  Dans la paix de ma pensée ». Accusé, avec trois autres officiers-parlementaires de « désertion », Jean Zay est arrêté en août 1940 pour avoir voulu continuer à se battre contre l'Allemagne nazie, quant Pétain et son gouvernement décidaient de collaborer avec l'innommable. Il ne retrouvera jamais la liberté.
Dans la lettre qu'il adresse à sa femme Jacqueline, la veille de sa mort - comme s'il l'avait devinée, sentir venir - Jean Zay écrit : « Je pars plein de bonne humeur et de force. Je n'ai jamais été si sûr de mon destin et de ma route. J'ai le cœur et la conscience tranquilles. Je n'ai aucune peur. J'attendrais comme je le dois, dans la paix de ma pensée, l'heure de vous retrouver tous. À bientôt. »
Sans doute faut-il reconnaître dans cette formidable espérance qui animait Jean Zay le ferment de l'action politique extraordinaire qui a été la sienne.
Pourtant, il aura fallu de nombreuses années avant que soit ne reconnu officiellement le fait que Jean Zay ait été assassiné par des Français de Vichy. Aujourd'hui enfin honoré à sa juste valeur, Jean Zay n'a cependant pas fini de nous étonner. Il est, pour la génération de militants à laquelle j'appartiens, et pour les suivantes je l'espère, un modèle toujours à découvrir. J'ai appris, un jour, alors que j'étais lycéen, que l'une de ses deux filles avait été, au collège, mon professeur de français. Je n'en fus pas étonné. Mais en revanche extrêmement honoré.

>> Article publié dane le numéro 503 de juillet-septembre 2004 de la revue Les Cahiers de l'Atelier

>> A lire : Souvenirs et Solitude, de Jean Zay, éditions de l'Aube, 385 pages.
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  • Pascal Martineau
  • Journaliste de métier, collaborateur parlementaire, écrivain public-biographe, j'aime les mots.
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Président de  l'Academie des écrivains publics de France

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